La science de l'amitié

8 juillet 2019

La relation qui nous unit aux chiens est unique en son genre. Que dit la science de ces liens d'amitié?


Votre chien pose sa tête sur votre genou. Vous le gratouillez derrière les oreilles. Il lève les yeux vers vous et, l'espace d'un instant, vous ressentez une réelle bouffée d'amour. Vous n'êtes pas le seul! Une étude menée par Miho Nagasawa, de l'université Azabu, au Japon, a démontré que, lorsque les chiens et leurs maîtres échangent un long regard, ils ont un taux d'ocytocine de 30 % supérieur à la normale. Alors que les loups domestiqués regardent rarement leur propriétaire et ne sécrètent pas cette molécule surnommée « l'hormone de l'attachement ».


L'éthologue hongrois Ádám Miklósi, cofondateur de Family Dog Research Project, l'un des plus importants groupes de recherche sur la relation entre l'humain et le chien, qualifie celle-ci d'exceptionnelle. « Elle comporte plusieurs caractéristiques de l'amitié, soutient-il. Les chiens et leurs maîtres partagent de nombreuses activités quotidiennes, communiquent et coopèrent de différentes façons, apprennent l'un de l'autre, synchronisent leurs comportements, en plus de ressentir des émotions communes. »


Un amour réciproque
La première étude démontrant le lien d'attachement des chiens pour leur maître a été menée en 1998 par l'éthologue hongrois József Topál. Celle-ci était basée sur une série de tests développés dans les années 1970 par la psychologue canadienne Mary Ainsworth et qui analysaient le comportement de jeunes enfants lorsqu'ils se retrouvaient dans une pièce en présence de leur mère ou d'un étranger. Les réactions des chiens se sont avérées semblables à celles des enfants. Par exemple, lorsque leur maître était dans la pièce, ils acceptaient de jouer avec l'inconnu, mais pas lorsqu'ils se retrouvaient seuls avec ce dernier. L'expérience a démontré que, tout comme un enfant avec ses parents, les chiens se sentent davantage en sécurité en présence de leur propriétaire. « S'ils perçoivent un danger, ils trouveront réconfort en se rapprochant physiquement de lui », illustre Ádám Miklósi.


En 2011, l'éthologue Veronika Konok a découvert qu'en l'absence de leur maître, de nombreux chiens restaient près de la chaise où celui-ci avait l'habitude de s'asseoir. Des chiots âgés de quelques mois à peine peuvent développer cet attachement pour leur nouveau propriétaire, mais aussi des chiens adultes. « Il s'agit d'une faculté unique aux chiens. Et ce sentiment est souvent mutuel, puisque les humains affirment être aussi attachés à leur compagnon et vont même jusqu'à agir comme s'ils étaient leur parent biologique », observe Ádám Miklósi.


Cette affection entre humain et chien s'apparente d'ailleurs à l'amour maternel. En 2014, des chercheurs du Massachusetts General Hospital ont découvert, grâce à l'imagerie par résonance magnétique, que les mêmes régions cérébrales s'activaient lorsqu'une mère regardait un portrait de son enfant ou de son chien.


Ces régions ne s'activaient pas lorsqu'il s'agissait d'une photo d'un autre enfant ou d'un chien inconnu.


Des années de collaboration
Selon l'éthologue Mylène Quervel-Chaumette, responsable des ressources canines à Zoothérapie Québec, l'attachement des chiens pour leur maître serait l'effet de la domestication. Elle cite notamment les recherches du Wolf Science Center, de l'université vétérinaire de Viennes, qui étudie les capacités cognitives de chiens et de loups élevés dans les mêmes conditions en les soumettant à différentes épreuves, comme par exemple ouvrir une boîte qui contient de la nourriture. « Les chercheurs ont découvert que, plutôt que de persévérer seuls à résoudre les tâches, les chiens regardaient plus souvent les humains dans la pièce », explique la spécialiste. Elle y voit la preuve que des siècles à cohabiter et collaborer avec les humains ont influencé le comportement de ces canidés.


D'autres études avancent que les chiens peuvent partager l'anxiété de leur maître et même ressentir une forme d'empathie pour une personne triste, qu'ils semblent vouloir réconforter en frottant leur museau contre elle ou en la léchant. Selon Mylène Quervel-Chaumette, ces théories sont souvent contestées puisqu'il est difficile de déterminer ce qui motive réellement les comportements observés et s'il s'agit réellement d'empathie. « On peut avoir tendance à faire de l'anthropomorphisme », prévient-elle.


N'empêche qu'il ne fait aucun doute que les chiens reconnaissent nos émotions et y réagissent comme nul autre animal. « Ils recherchent davantage les interactions et ont développé une capacité à nous décoder, poursuit l'éthologue. C'est sans doute ce qui explique pourquoi nous sommes si attachés à eux. » Et pourquoi nous en sommes venus à les considérer comme un membre de la famille!

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