Alors qu'il fait 30°C dans ma ville, je passe près d'une automobile garée dans le stationnement d'une grande épicerie, en plein soleil, et que vois-je? La truffe d'un chien de type labrador qui pointe dans l'espace entrouvert de la vitre arrière. Pas un autre!
Après avoir dit bonjour à la gentille bête, je m'assure de son bon état. Je sais que les premiers symptômes d'un éventuel coup de chaleur sont un halètement singulièrement rapide, une difficulté à respirer suivie d'apathie, des vomissements et des gencives rouges. Des signes causés par une température corporelle bien au-delà des normales qui se situent entre 38,5°C et 39,5°C. Heureusement, rien à signaler à ce moment; ce chien-là est alerte et content de me voir!
Je suis tout de même prêt à intervenir, sachant que la température corporelle de l'animal peut grimper à 41°C et que dans les 60 prochaines minutes peuvent survenir une sévère déshydratation, une diminution de l'apport sanguin aux cellules, de l'œdème cérébral, un choc cardiaque, le coma puis… la mort.
Je consulte ma montre, car dans ma ville, le règlement est exemplaire : interdit de laisser un animal sans surveillance dans un véhicule routier pendant plus de 10 minutes lorsque la température est supérieure à 20°C. Une fois le délai expiré, sans hésitation, je demande que des policiers soient dépêchés sur les lieux pour délivrer le chien et remettre une contravention aux fautifs.
Mais à peine ai-je raccroché qu'un homme et une femme dans la soixantaine, sacs d'épicerie dans les bras, s'approchent du véhicule en me demandent s'il y a un problème. Ce sont bien sûr les propriétaires.
Calmement, mais fermement, je leur explique que je suis vétérinaire, et que je m'assurais simplement que leur chien n'était pas en danger. Je me fais dire « de me mêler de mes affaires »!
Mais j'en ai vu d'autres. Je les informe des dangers de laisser leur animal dans un habitacle où la température peut monter rapidement jusqu'à 50°C ou 60°C. Comme le chien ne transpire pas, il tente de régulariser sa température en haletant, ce qui a pour conséquence d'augmenter la chaleur ambiante. Rien pour aider, quoi! Plus la température s'élève, plus le chien est stressé. Plus il angoisse, plus il respire et plus sa température corporelle grimpe. Ce qui entraîne le fameux coup de chaleur.
En cas de coup de chaleur, il faut impérativement refroidir l'animal. On applique des serviettes froides sur le corps, on le mouille avec un boyau d'arrosage ou on le frictionne avec des blocs réfrigérants. On se rend ensuite chez un vétérinaire afin de traiter le choc, la déshydratation et l'œdème.
Mais ces Pawsies-là ne veulent pas entendre un mot de mes explications, se contentant de m'abreuver d'insultes. Aucune excuse pour leur geste. Au contraire, ils se lancent d'abord dans une succession de justifications : « Nous n'étions partis que pour 10 minutes », « C'est la première fois que nous le laissons dans l'auto », « La fenêtre était ouverte », « On ne lui ferait jamais de mal », etc. Quand même secoués, ils quittent le stationnement à toute vitesse.
Après avoir avisé les policiers que la situation est réglée, je suis soudainement pris de remords. Et si tout ce qu'ils m'avaient dit était vrai? Ces quelques secondes ne m'ont pas permis de savoir si ces gens étaient de mauvaise foi, simplement insouciants ou totalement inconscients.
J'aurais surtout voulu m'assurer qu'ils ont bien compris le message :
- Sous aucun prétexte, un animal ne devrait être laissé seul dans une automobile;
- Les chiots et les vieux chiens sont plus susceptibles de subir un coup de chaleur;
- Les animaux souffrant de maladies ou d'obésité et ceux de race brachycéphale, tels les pékinois et les bulldogs qui ont plus de difficulté à respirer, sont également plus à risque.
Sachant qu'il est très difficile de se déplacer avec un chien, je profite de l'occasion pour inviter nos décideurs à prendre des mesures concrètes afin de faciliter l'accès aux chiens dans les commerces, les aires publiques ou les lieux de villégiature. Ainsi, peut-être moins de propriétaires se verront contraints, faute de choix, de laisser leur bête dans leur automobile, et ce, même pour quelques minutes.